HOMMAGE AU PREMIER MINISTRE, MINISTRE DE LA DEFENSE HAMED BAKAYOKO
La Côte d’Ivoire vient d’être frappée de plein fouet par ce ui apparait sans doute comme l’une des plus terribles nouveltes de ce début d’année : la disparition dHamed Bakayoko. Cruelle, douloureuse, attligeante, l’annonce de cette brusque perte étreint. à la limite de la suffocation. l’ensemble des Ivoiriens depuis avant-hier. Elle leur déchire le cœur. les laisse sans voix.
Il faut dire que celui qui était avant le 10 mars dernier, le Premier ministre. ministre de la Défense de la Côte d’Ivoire, entretenait avec ses compatriotes de tous ages, de toute classe sociale. de tous bords politiques, de toutes obédiences religieuses, les rapports particulièrement cordiaux de l’homme qui n’était l’ennemi de personne, qui avait ce commerce si affectueux et bienveillant avec les autres. Ce qui en faisait un homme de consensus, très adulé de ses compatriotes.
Régulièrement cité parmi les personnalités les plus influentes du pays par certains organismes et médias internationaux, Hamed Bakayoko, qui venait tout juste d’entamer ses 56 ans le 8 mars dernier, était pour ainsi dire l’un des hommes politiques les plus popu• laires de Côte d’Ivoire.
Le natif de la commune d’Adjamé. au Nord d’Abidjan, où il passe les premières années de sa vie au sein d’une famille pieuse et conserva• trice établie au quartier Habitat• Extension, était tout sauf un par• venu. Il était pour ainsi dire tout le contraire de ces hommes ou femmes dont l’importance de la condition sociale d’aujourd’hui est la somme des parrainages et autres pistons quémandés ici et là hier, à coups de flagorneries, de génuflexions et autres flatteries serviles.
Hamed Bakayoko était le prototype même du self-made-man, qui a acquis le statut dont il a joui ici-bas et qui lui a valu d’être tant admiré par son mérite personnel, mais surtout par son audace et cette dis• position naturelle à flairer le bon coup qui en ont fait également un redoutable businessman,
C’est au collège Notre-Dame• d’Afrique de Biétry que le jeune homme décroche son baccalauréat série D, après avoir obtenu quelques années auparavant son BEPC au collège moderne d’Adjamé et achevé son second cycle au lycée classique de Cocody. Orienté à la faculté de droit de l’uni. versité d’Abidjan, c’est pourtant au Burkina Faso, sur conseil de son père, qu’il dépose, courant 1984, ses valises pour Sinscrire à la faculté de médecine de la capitale du pays des Hommes intègres. Si son géniteur le croit prédisposé plus à une carrière de praticien que de juriste, il est loin d’imaginer le tout autre destin qui allait étre celui d’Hamed Bakayoko.
De retour en Côte d’Ivoire après quatre années passées au pays de Thomas Sankara, l’étudiant qui poursuit désormais ses études à l’université de Cocody, est vite happé par le militantisme actif du Mouvement des étudiants de Côte d’Ivoire (MEECI). Très vite, alors que le contexte politique bascule au multipartisme, il tonde la Jeunesse estudiantine et scolaire du PDCI (JESPDCI). L’idée lui vient alors, à la faveur du printemps de la presse marqué par le pluralisme médiatique, de créer Le Patri-Ote. La mission qu’il s’assigne défendre le PDCI-RDA et son président Félix Houphouët-Boigny qu’une nouvelle presse de l’opposition aux dents longues n’en finit plus de brocarder à longueur de parution. L’outil pro-Houphouét est si percutant par son sens de la riposte qu’il se pose rapidement en véritable cuirasse politique pour le vieil homme miné par la maladie. Mais aussi pour un certain Alassane Ouattara à qui ce demier a dû faire appel pour Surmonter une conjoncture économique des plus désastreuses et qui par les plans d’ajustement structurel et de réformes libérales effectuées de 1990 à 1993 remet rapidement le pays Sur les rails, mais fait aussi dérailler bien des égos du côté de ceux qui voient du coup en ce technocrate hors-pair une menace pour leur avenir politique. Et qui est menacé par Ouattara est menacé par Le Patriote. Cest tout le sens des ennuis rencontrés par Hamed Bakayoko quand vient à mourir le Vieux et qui explique en partie son incarcération en février 2004 à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan, la fameuse MACA puis le coup d’arrêt porté à son journal jusqu’en 1999.
Mais Hamed Bakayoko n’est pas homme à se laisser démonter pour si peu. Entre-temps, il est passé de la presse écrite à la radio, en prenant en 1993 la présidence de Nostalgie, la première station privée du pays. Il a alors 28 ans. Il ouvre les stations de Dakar puis de Libreville, Où il fait la rencontre d’Ali Bongo. Il est ensuite élu, en 2001, président du Conseil national des patrons de presse.
Désormais considéré comme l’un des principaux magnats de la presse en Afrique, Hambak, comme on le surnomme, peut résolument se lancer dans l’arène politique. Et Ce saut dans l’inextricable marigot ivoirien est loin d’étre un hasard : Alassane Ouattara est de retour d’exil après le coup dEtat de 1999, qui voit le général Robert Guéi prendre les rênes du pouvoir Il lui faut un soutien fort et combatif pour faire face à une adversité qui trépigne d’impatience d’en découdre avec celui qui vient de déserter les bureaux dorés du Fonds monétaire international où il était le directeur général adjoint pour tenter à nouveau de sauver ce qu’il restait d’un pays ravagé par la corruption, les scandales financiers et une mal gouvernance presque congénitale.
Avec le Patriote version quotidienne qu’il remet en selle, c’est tout naturellement qu’il se rapproche du couple Ouattara. Cela par l’entremise d’un certain nombre de personnalités dont Camille Alliali, Jean-Baptiste Gomis, Ally Coulibaly. Dès lors, ADO sera son mentor, Dominique Ouattara sa marraine. Cette demière est méme témoin de son mariage en 1995 avec Yolande Tanoh, dont le père, Emmanuel, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats, est membre influent du RDR.
Hamed Bakayoko était de tous les combats d’ADO. D’abord face à Bédié puis à Guei. Et plus encore face à Laurent Gbagbo, lors de la décennie de crise 2000-2011, dont il devient en 2003, après les accords de Marcoussis, le ministre des NTIC. Il le reste jusqu’à la dissolution du gouvernement en 2010, orchestrée par Gbagbo, qui rejette les résultats de la Commission électorale indépendante, qui donnent Ouattara vainqueur.
Cest de notoriété publique, l’une des qualités d’ Hamed Bakayoko. c’est celle de sa grande ouverture d’esprit doublée d’une simplicité naturelle qui met tout le monde à l’aise. Adversaires et partenaires. C’est un homme qui ne cloisonne pas. qui se fiche des obédiences, des ethnies, des catégories sociales. Au gouvernement, pendant sept ans sous Gbagbo, il était, selon des témoignages, l’un des rares à ne pas étre considéré comme un radical. Et aujourd’hui, il conserve des liens avec toutes les chapelles politiques du microcosme ivoirien.
Le 11 avril 2011. quand Gbagbo est arrêté dans sa résidence de Cocody par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), Ouattara le désigne pour veiller sur l’ancien chef de l’État à Ihôtel du Golf. C’est tout saut un hasard. C’est encore lui qui est à l’origine de la plupart des retours d’exil des pro-Gbagbo. Décrit comme un excellent ministre par ADO, qui le surnomme petit Pasqua il était l’homme de toutes les missions secrètes ou délicates. Pendant les années qui ont suivi la crise postélectorale. son action au ministère de l’Intérieur permet à la Côte d’Ivoire de se prévaloir d’un indice de Sécurité qui correspond aux normes internationales. un cli• mat apaisé, une sécurité retrouvée qui permettent le retour des investisseurs, de la croissance économique et du développement. Car, c’est à son actif qu’il taut mettre la déroute des assaillants qui. commandités par des mains obscures mais bien vengeresses — suivez mon regard ont tenté maintes fois de déstabiliser le régime de Ouattara.
Sur le continent. Hamed Bakayoko entretenait des relations étroites, voire des amitiés, avec de nombreux chefs d’État. On cite pêlemêle Roch Marc Christian Kaboré, Ali Bongo Ondimba. le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Togolais Faure Gnassingbé, le Malien Ibrahim Boubacar Keita, le Sénégalais Macky Sall. et ‘last but not least”, Mohammed VI., le roi du Maroc.
Hamed Bakayoko était donc un véritable gagneur, un winner dirait les anglo-saxons, qui. parti de très peu est parvenu presqu’au sommet de l’échelle sociale, voire politique pour ceux qui lui prédisaient un destin national. En réalité, ce destin national n’en finissait pas de prendre corps depuis qu’il était devenu Premier ministre, le numéro deux du régime Ouattara et qu’il étalait chaque jour sa maestria dans la gestion des affaires de l’Etat. Las ! Le coup d’arrêt du 10 mars est venu stopper net ces véritables grands pas du messie tant rêvé vers les sommets.
KORE EMMANUEL (Le Patriote)